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LE TEILLEUR DE LIN OU ÉCANGUEUR

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Lorsqu'on feuillette les registres d'état Civil à la recherche de nos ancêtres, on trouve un grand nombre de métiers se rapportant au travail du lin. Le métier de teilleur de lin était fort répandu dans notre vallée de la Lys, dont les eaux étaient particulièrement favorables au rouissage du lin.

Le rouissage est la dégradation et l'élimination partielle, par immersion dans l'eau ou par exposition, des ciments qui lient les faisceaux fibreux à leur environnement - les anciens disaient plus simplement : "des matières gommeuses qui lie les fibres à leur écorce", rendant possible l'opération suivante : le teillage. Le Teillage consiste à extraire la fibre par l'élimination des éléments indésirables - Il se décompose en plusieurs opérations: Egrenage, Etirage, Broyage et Ecangage.

Une entreprise textileL'écangage qui consiste à éliminer les derniers anas (déchets d'écorce) de la fibre est souvent assimilé au teillage, bien que ce dernier terme s'applique normalement à l'ensemble des opérations d'extraction de la fibre.

Dans son roman "L'empreinte du Dieu", Maxence Van der Meersch fait une description très détaillée et pittoresque d'un atelier de teillage du lin: "La fabrique Rooseghem, alignait une longue série de fenêtres grillagées, garnies de verres dormants. Quarante-cinq ouvrières, une douzaine d'hommes y travaillaient à broyer le lin et le nettoyer de ses paillettes avant de l'envoyer aux filatures.

Au milieu de la salle, il y avait le moulin à lin, une grande machine de tole, à tambours, quelque chose comme une gigantesque lessiveuse horizontale, unie par des courroies de cuir, et que les hommes manoeuvraient. On y jetait par une trappe le lin venu de la Lys, après rouissage. La grosse mécanique l'avalait, le broyait, le décortiquait, et restituait une masse cotonneuse, douce au toucher, souple et nette de toute paille ou impureté. Les déchets, - on appelle cela les anats, - aspirés par un fort ventilateur, s'en allaient par un tube jusque dans la réserve, où des hommes les mettaient en sacs pour les plafonneurs. Ces courtes pailles duveteuses lient en effet le mortier et font adhérer aux murailles les crépis de plâtre ou de chaux . Ce moulin mécanique, ces deux hommes, faisaient autant d'ouvrage que les quarante-cinq femmes.

Celles-ci travaillaient derrière la mécanique, aux vieux moulins à bras qu'on n'a ait pas encore supprimés, parce que les moulins mécaniques coûtent cher, et aussi parce que le travail soigné demande à être fait à la main. Il y avait le long du mur, une sorte de fausse cloison, percée de fentes verticales, par où passaient les pales de longues hélices en bois. Ces hélices, on ne les voyait pas. Elles étaient montées entre la muraille et la cloison. Chaque femme, appuyée à la cloison, devant une de ces hélices ou moulin tenait dans sa main une pleine poignée de lin brut. Elle la poussait contre les pales, de toutes ses forces. Et la rotation des ailettes battait le lin, l'épluchait, le nettoyait. Les paillettes volaient, les moulins ronflaient. On voyait les femmes presser durement leur poignée de lin cotonneuse et jaunâtre contre l'hélice, l'y engager, l'y pétrir comme une pâte, une masse souple et liée que les ailettes battaient, étiraient, déformaient sans la désagréger...Une poussière dense volait, feutrait le plancher d'or duvet gris....

Il régnait dans toute l'usine une senteur de lin roui, une puissante odeur de pourriture qui rappelait la Lys et la campagne de Flandre".


Dernière modification : 24/08/2023 : 18:38
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